De Richeck à Caïssa : Récit d'une histoire échiquéenne parsemée d'embûches

"Dans une forêt sombre et profonde où 2 + 2 = 5" dixit Tal 

Introduction 

Ma relation avec les échecs

Depuis toujours, je n'ai pratiquement jamais eu de difficultés à bien m'entendre avec les autres joueurs d'échecs, vu que nous nous comprenons mutuellement de manière naturelle. 
Nous appartenons tous à cette grande famille qui persiste depuis des origines lointaines jusqu'à ce jour et dont l'avenir semble plus prospère que jamais. En soi, cela rejoint bien la devise de la Fédération Internationale des Échecs qui est "Gens Una Sumus", c'est-à-dire "Nous Sommes Une Famille". 

"Les échecs sont ma vie, mais ma vie n'est pas les échecs ." - A. Karpov 

Si l'on me demande d'évoquer ce que représentent les échecs pour moi, cela prendrait assurément beaucoup de place et temps. Tout comme le disait le Grand Maître International Eduard Gufeld dont je partage l'opinion, pour moi les Échecs sont la vie, et chaque partie d'échecs est une vie. Les joueurs d'échecs ont cette chance de pouvoir vivre de nombreuses vies ! 

Je pense que c'est Mikhail Tal dans son autobiographie qui disait qu'on attrape les échecs comme on attrape un virus. On ne s'en rend pas compte sur le moment, mais une fois que l'on en prend conscience, on y est lié pour très longtemps...

Le grand champion américain et challenger au titre mondial Frank Marshall (1877-1944), qui est une de mes sources principales d'inspiration disait ceci dans son livre autobiographique intitulé "Mes 50 années d'échecs":

"
Après tout, je n'ai que 64 ans et mes amis me disent que je n'ai jamais vraiment grandi. L'échiquier que je prends avec moi au lit est un petit échiquier de poche. On ne sait jamais quand on aura une bonne idée pour des coups. 
Suis-je préoccupé ? Je suppose que oui. 
Et à quel propos suis-je préoccupé ? 
Par les échecs, bien sûr.
Ma vie entière a été consacrée aux échecs.
J'ai joué durant plus de 50 ans. 
J'ai commencé à 10 ans, et je suis toujours aussi vaillant. 

Durant tout ce temps, je ne pense pas qu'une seule journée se soit passée sans que je n'ai joué au moins une partie - et j'apprécie cela toujours autant. 

Une telle fascination pour le Roi des jeux, avec ses variétés sans fin et ses possibilités sans limites.
"
J'ai personnellement parfois comme une impression étonnante de donner la vie à des pièces d'échecs qui sont ensuite guidées par mon esprit afin de combattre pour survivre dans leur propre univers...

Le pouvoir des échecs 

Dans un registre sociétal, je citerai le texte suivant des nations unies (site un.org) qui montre bien les aspects constructifs que peuvent apporter cette activité millénaire sur le développement et l'évolution de l'humanité de manière générale. 

Les échecs ont ainsi cette faculté formidable de pouvoir rassembler tout en faisant tomber toute barrière linguistique, politique, sociale et discriminatoire. 

Je rêve d'un monde meilleur où les leaders des grandes puissances pourraient un jour se confronter autour d'un échiquier, au lieu d'utiliser notre planète comme terrain de chasse avec des êtres humains qui sont sacrifiés comme des petits pions sans valeur. Probablement une utopie malheureusement...


Difficile exercice que de définir ce que sont les échecs car chacun aura sa propre définition, mais il me semble que Karpov a parfaitement raison d'estimer qu'ils sont à la fois un art, une science, ainsi qu'un sport cérébral. 


Période 1982 - 1993 

Mon histoire échiquéenne en club a débuté en 1982, date à laquelle je me suis inscrit au Cercle d'Échecs aujourd'hui disparu de "La Tour Noire d'Esneux", la ville où j'ai grandi. 

J'avais alors 10 ans et Anatoly Karpov régnait toujours sur le monde, depuis 1975. Il constituait donc tout naturellement une source d'inspiration immense pour un jeune garçon qui a encore tout à apprendre via entre autres des revues Europe Échecs et des rubriques de journaux divers (La Libre Belgique, Le Soir, mais également Le Drapeau Rouge, Le Vif)

Première photo officielle, circa 1983

Mes débuts furent assez prometteurs. À l'âge de 15 ans, je réussissais une partie nulle en simultanée contre un Grand Maître Estonien, puis quelques mois plus tard j'obtenais une 3ème place sur le podium d'un tournoi de parties rapides derrière le Maître FIDE et ancien champion de Belgique (1980) Alain Defize. 

Cette période échiquéenne fut extrêmement riche en participations à des tournois internationaux, championnats nationaux, et interclubs nationaux durant lesquels j'ai eu la chance de sillonner la Belgique et la France : Gand, Anvers, Virton, Grammont, Louvain (Leuven), Oostmalle, Ostende, Huy et Belfort en France où j'étais accompagné par les MI Vandevoort, Jadoul et le MF Mohandessi. 

Si un stage d'échecs programmé en 1989 à Bakou,  Azerbaïdjan (URSS à l'époque) n'a malheureusement pas pu être organisé, j'ignorais que le destin allait m'emmener vers une autre destination lointaine qui allait changer fondamentalement mon existence... 

L'Amérique (1990-1991) :

Mon année scolaire vécue en 1990-91 près de Seattle sur la côte nord-ouest du continent m'a permis de mûrir mon style dans un pays ayant été fortement influencé par les succès de Paul Morphy, du vice-champion du monde Frank Marshall et du seul champion du monde américain de l'histoire (1972-1975) Bobby Fischer. Tous 3 ont eu une influence immense sur l'évolution vers la professionnalisation des échecs dans le monde entier. Frank Marshall quant à lui, a mis au point de nombreux systèmes d'ouvertures qui portent son nom, les plus connus étant le Gambit Marshall de la défense Espagnole qu'il utilisa comme arme contre Capablanca lors du Championnat du monde, la variante Marshall de la défense Scandinave (2...Cf6) ainsi que le système Marshall de la défense Française et Sicilienne dont la structure n'est pas sans rappeler la défense Tarrasch. 

Les compétitions auxquelles j'ai participé là bas avec entre autres un titre de vice-champion Junior de l'Etat de Washington ainsi qu'un prix pour la meilleure partie du tournoi montrent que ce séjour fut particulièrement fructueux. 

Extrait de l'échiquier Visétois, oct 1991

Là bas, j'étais inscrit au club d'échecs de mon école, Rogers High School à Puyallup près de Seattle, dont le responsable n'était autre que mon professeur de trigonométrie, sujets qui m'ont causé pas mal de casse têtes. Mister Andreotti (Dave) comme on l'appelait là bas, était un joueur de haut niveau extrêmement sympathique avec un Elo USCF d'environ 2150 elo, et nous avons eu l'occasion de jouer 6 parties d'entraînement au sein du club. Ce match se terminait par une victoire 3,5-2,5 en ma faveur (2 victoires, 3 nulles et 1 défaite).  J'ai énormément appris grâce à lui. 

Un peu plus tard, lors d'un tournoi auquel j'ai participé à Seattle, j'ai eu l'immense plaisir de rencontrer une véritable légende des échecs, le Grand Maître International Yasser Seirawan, Champion du monde junior en 1979, 4 fois Champion des États Unis (en 1981, 1986, 1989 et 2000) et 2 fois candidat du championnat du monde (1985 et 1988). Nous avons discuté de ses expériences en Belgique (Bruxelles) lors des tournois Swift dans les années 80, de ses amis belges, ainsi que de ses ambitions toujours intactes de devenir un jour champion du monde. Je dois dire que ce grand monsieur des échecs est extrêmement sympathique et d'une gentillesse remarquable. La preuve ultime n'est t'elle pas qu'il fut choisit comme secondant par Viktor "le terrible" Korchnoi lors du match pour le titre mondial contre Karpov de 1981. Lorsqu'on connaît la vie tumultueuse ainsi que le caractère très difficile de Viktor Korchnoi, inutile de dire qu'il s'agit là d'un privilège exceptionnel que d'obtenir une telle confiance ! 




Ainsi ce terminait une page essentielle et inoubliable de mon évolution personnelle, qui m'a apporté une force mentale et tactique que je ne possédait pas encore. 

Le retour en Belgique :

De retour en Europe, je retrouvais les bancs scolaires Belges avec le début de mes études d'informatique de gestion (1991-1995).

Je continuais malgré tout à jouer au club de Visé, cher à Bernard Rémy, et commençais par une victoire lors d'un tournoi de Blitz à Visé sur le score de 8,5/9 qui confirmait mon état de forme du moment. 

Entre les années 91 à 93, j'ai aussi eu la chance de pouvoir participer à plusieurs stages organisés par le Maître International Michel Jadoul, quadruple Champion de Belgique, qui furent déterminants pour mon apprentissage du système de Nimzowitsch et de son disciple Tigran Petrosian dont Michel était grandement inspiré. C'est lors d'un stage à Bastogne que j'ai remporté une partie en simultanée contre le Maître FIDE Walter Tonoli

Malheureusement, la vie n'étant que très rarement un long fleuve tranquille, cette première idylle échiquéenne durant laquelle Caïssa m'a tendrement fait découvrir les clubs d'Esneux, de Liège (CRELEL) et de Visé a du subir un premier arrêt au mois de Juin 1993

Ce premier arrêt a eut lieu entre mi-1993 jusqu'en début 2001, soit environ 7 années, pour des raisons d'études et professionnelles, avec l'obtention du diplôme de Bachelier en Informatique à la clé, en passant par la case  mononucléose... 

Période 2001 - 2003

S'en est suivie une courte reprise, presque une parenthèse de 2 ans et demi entre 2001 jusqu'en 2003 à nouveau au CRELEL et puis ensuite au Brussels Chess Club à Uccle. 

Sur ce court laps de temps et malgré une activité professionnelle fort chargée en tant que consultant informatique, j'ai tout de même obtenu quelques résultats intéressants, comme une 4ème place au tournoi mémorial Viktor Soultanbeieff ainsi que des victoires contre les très forts Philippe De Gueldre (2200 FIDE) et Lieutenant (2100 environ à l'époque). 

La seconde pause qui suivit, la plus longue et la plus compliquée a eut lieu entre fin 2003 et 2021 (17 longues années) pour des raisons familiales, professionnelles, ainsi que malheureusement de santé. C'est au cours de cette période que j'ai été marié, et ai eu surtout le bonheur d'avoir mes 3 chers enfants... 

Période 2021 - ... 

J'ai repris fin 2021 en étant toujours souffrant, et obtenu des résultats catastrophiques pour ce retour lors d'un tournoi FIDE exténuant à Bois-Colombes (Paris) avec 2 parties par jour où j'ai péniblement obtenu 3 points sur 9 (6 nulles, 3 défaites, 0 victoire). Dur retour à la réalité !

Malheureusement, 2022 est également une année noire à oublier au plus vite, suite à des problèmes familiaux, un déménagement, en plus de soucis de santé. 

Un rapide calcul fait état d'environ 14 années passées en club, entrecoupées d'un total de 24 ans d'arrêt. 

C'est finalement vers la fin 2022 que les choses s'améliorent enfin, avec l'inscription au club de Soignies où j'ai disputé une saison 2022-2023 presque complète avec un titre de champion à la clé sur le score presque parfait de 6,5/7. 

C'est durant cette période que j'ai franchi les portes du mythique Cercle Royal des Échecs de Bruxelles (CREB), qui est le club le plus ancien de Belgique encore en activité. Sa création remonte à l'année 1895 et a connu bien d'illustres membres. 

L'année 1919 fut particulièrement exceptionnelle pour le cercle Bruxellois comme en témoigne l'extrait suivant d'une revue du CREB. Un champion bien connu dans le monde entier par l'ouverture très populaire qui porte son nom participait au tournoi de 1ere catégorie ! 

Le club reçu également la visite de l'ex-champion du monde russe Alexandre Alekhine, et il y joua 2 séances de simultanée à l'aveugle.

Actuellement pas moins de 96 membres âgés de 11 à 83 ans y sont inscrits, ce qui en fait un des  acteurs majeurs des Échecs Bruxellois, avec le Grand Maître International Ukrainien Vladimir Baklan en tête de liste pour les interclubs nationaux. 

Au CREB, j'ai débuté par une 4ème place ex-aequo lors du tournoi homologué FIDE du Printemps sur le score de 4/7, suivi par une autre 4ème place ex-aequo lors du tournoi d'été sur le score de 4/5. 






Eric Briffoz. 


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